L’asthme est une maladie qui déconcerte : elle s’invite quand on ne l’attend pas et semble parfois indélogeable. Progressivement, c’est toute la vie de la famille qui s’organise autour de l’enfant et de sa maladie. Des rendez-vous chez le pneumologue aux hospitalisations, du ménage à la maison aux choix des vacances, tout se tisse et se pense autour de l’asthme. Seulement voilà, parfois un glissement s’opère, et l’enfant et sa maladie ne font plus qu’un.
L’enfant, autrefois extraordinaire pour toutes ses particularités, se distingue aujourd’hui principalement parce qu’il est asthmatique. On a peur, on s’angoisse pour lui. On pense à ses traitements, on traque la moindre crise. On le regarde avec ce filtre jusqu’à en oublier parfois que derrière le petit asthmatique, il y a d’abord et avant tout un enfant.
Ainsi donc, chez certains petits patients, la prise des traitements peut être conflictuelle, parce qu’au fond se soigner implique le fait d’aller bien et de ne plus être malade. Certains enfants expliquent qu’être malade, c’est avoir une place de choix dans la famille, c’est avoir tous les regards posés sur soi. « Et qu’adviendrait-il si je n’étais plus asthmatique ? », demande Julien avec inquiétude.
Julien, 10 ans, est un jeune garçon, attachant, rencontré à l’école de l’asthme. Il a une place centrale dans la vie de la famille et la maladie a une place centrale dans la vie de l’enfant. Parler de Julien, c’est parler d’asthme, d’eczéma et d’allergies. Julien est « le petit malade de la famille », et par les mots, les choses semblent scellées. Les symptômes font partie de lui, comme des yeux verts ou des cheveux bouclés. Ils sont des caractéristiques intrinsèques à ce qu’il est. En somme, la maladie lui donne une identité. Et, il en est plutôt fier…
Ainsi donc, l’enfant est investi via sa maladie : dans les traitements, les nuits sans sommeil, les examens à l’hôpital. Julien partage des moments d’intimité avec ses parents, avec sa mère surtout, pour et « grâce à » la maladie. Étonnamment, l’asthme semble donner du sens à leur relation. La maladie s’offre comme une médiation pour se donner de l’amour ou se haïr. La maladie donne un cadre.
Comment en sortir alors ? Comment oser poser le pied hors des habitudes ?
La contrainte de la maladie a mené Julien vers un ailleurs, un monde qui n’est qu’à lui et qui fait de lui un enfant littéralement extraordinaire. Aujourd’hui, s’il refuse les traitements de fond qui lui sont proposés, est-ce si surprenant ? En se fondant aux autres, ne craint-il pas de perdre son statut d’exception ? Julien, cet enfant ressenti et présenté comme différent, a peur de perdre sa singularité. Julien est attaché à ses symptômes et à ses bénéfices secondaires… et pourtant est-il nécessaire de préciser que Julien n’a pas besoin d’être asthmatique ou allergique pour être exceptionnel ?
Julien, un enfant qui a peur qu’on ne l’aime que pour sa fragilité ? Et s’il était juste lui, sans la maladie, l’aimerait-on de la même façon ? « Et si je n’étais pas un enfant constamment malade, ma mère m’aimerait-elle autant ? ».
Les parents, quant à eux, éprouvent souvent un sentiment de culpabilité : culpabilité d’avoir transmis la maladie, culpabilité de ne pas offrir à leur enfant « une vie normale ». Et dans un désir de réparation, d’être le parent parfait, il est aisé de basculer dans une forme de surinvestissement. Prendre soin à tout prix pour compenser. Être une mère, une infirmière. Être là tout le temps, prévenir de tous les dangers. Mais attention à la perfection ! Un enfant trop protégé est un enfant qui est exposé au danger ! Quant aux mamans, l’épuisement physique et psychique les guette…
Au-delà de la culpabilité, tout parent peut se sentir blessé narcissiquement de ne pas avoir su, de ne pas avoir pu mettre au monde un enfant en parfaite santé. Comment narcissiquement investir un enfant malade ? Comment l’aimer ? Par quel biais l’appréhender ?
Impliquer l’enfant asthmatique et l’aider à comprendre sa maladie
« Mon fils ne prend pas ses traitements parce qu’il ne veut pas me faire plaisir ou parce qu’il ne comprend pas son utilité ». L’asthmatique, et plus encore l’enfant asthmatique, doit être envisagé dans son contexte (sa vie familiale, l’école…). Un traitement, aussi pertinent soit-il, se révélera inefficace s’il n’est jamais pris !
Enfin, l’enfant asthmatique doit se sentir impliqué. Il convient donc de lui donner les clés pour qu’il comprenne sa maladie. Un enfant qui ne saisit pas ce qui le traverse, qui ne ressent pas s’il respire mal, ne pourra pas s’investir dans un protocole qui pourtant aura été pensé et ajusté pour lui. En l’accompagnant dans une prise de conscience de ses sensations (« Je me sens essoufflé », « La fumée me dérange, ça me gratte le nez »…) et en mettant du sens sur les traitements qu’il doit prendre, l’enfant sort d’un état de passivité pour devenir acteur.
Quand l’asthme est trop présent dans la vie des familles, quand il devient le dictateur de tous les projets ou encore le ciment des interactions, alors peut-être faudrait-il l’entendre comme le signalement, le sifflement, d’un équilibre instable à repenser. Il faudrait assurément pouvoir envisager l’asthme comme un élément dans un ensemble bien plus vaste et coloré qu’est celui de l’enfance.
Se trouver, s’aimer, se confronter sur un autre terrain que celui de la maladie. Parce que vivre, c’est empêcher que la maladie n’ait le dernier mot.
Eve Piorowicz
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